Cette année encore, les séjours à Tourteron nous ont bien occupé.e.s de mars à novembre. La maison a pu accueillir 102 jeunes, au fil de 22 séjours de 5 à 6 jours. Nous sommes plus que jamais convaincu.e.s de la nécessité de repenser l’accueil et le rapport à l’autre : la violence n’est pas un accueil, l’interrogatoire de police n’est pas un échange. Il nous faut revenir à l’humain, il nous faut considérer autrui, pour reprendre un terme cher à Marielle Macé.
Ce n’est que dans la rencontre et la reconnaissance de l’autre, en tant qu’il préexiste à moi-même, que se révèle la possibilité de la vraie hospitalité, de l’hospitalité comme joie. « Autrui qui se révèle précisément – et de par son altérité – non point dans un choc négateur du moi, mais comme le phénomène originel de la douceur », écrit Levinas.
L’hospitalité, avant d’être une pensée est un acte. Un pur événement. Entre et sois le bienvenu, toi que je ne connais pas. L’hospitalité, comme le pardon, s’adresse inconditionnellement. Elle décrit, plus qu’une figure, un espace où cet acte d’invitation peut avoir lieu.
Tourteron se veut un refuge où les jeunes peuvent se ressourcer. S’abriter, se reposer, se nourrir, créer, communiquer et partager. Jouir d’une parenthèse de sérénité. Une halte, un lieu et un moment pour se couper de la frénésie du quotidien et de la dureté de la rue. Un moment de répit et d’apaisement. Un moment pour se retrouver. Soi. Les autres. Parce que ces mots d’Hannah Arendt en 1943 pourraient être ceux des jeunes.
Nous avons perdu notre foyer, c’est-à-dire la familiarité de notre vie quotidienne. Nous avons perdu notre profession, c’est-à-dire l’assurance d’être de quelque utilité en ce monde. Nous avons perdu notre langue maternelle, c’est-à-dire nos réactions naturelles, la simplicité des gestes et l’expression spontanée de nos sentiments.
Nous voulions refaire nos vies, un point c’est tout. Or cela suppose une certaine force et une bonne dose d’optimisme : nous sommes donc optimistes.
Nous avons cette année particulièrement axé les séjours sur le thème de l’écologie. Les jeunes ont pu visiter le domaine de Venderesse, où iels ont découvert toute l’histoire locale de l’industrie métallurgique, et appris beaucoup de choses sur la façon dont fonctionnent les énergies. Didier et Joëlle, les apiculteurs du village, nous ont emmenés visitervisité les ruches. Zouzou et Thibault, les voisins qui sont des soutiens locaux importants de Maât, nous aident pour la mise en place du projet permaculture. Nous sommes allé.e.s cet automne acheter des arbres fruitiers pour le jardin.
Pour ce qui concerne la maison, un donateur particulier très généreux va nous permettre de changer. Les entrepreneurs sont également venus cet été pour commencer les travaux d’isolation. Nous remercions tous les donateur.ice.s petit.e.s et grands pour leur aide, ainsi que la fondation Rothschild et le fonds Riace, qui continuent de nous soutenir, dans une période où il est de plus en plus difficile pour les associations d’être financées. Il nous manque encore “un peu” d’argent pour l’isolation de la maison, et vos dons sont toujours évidemment les bienvenus.
Quelques paroles de jeunes
« A Paris même si on est hébergés dans le même centre, la même chambre, on ne se parle pas. Ici on a l’impression d’être un peu une famille. »
« Ici au village on est enfin reconnus, on nous dit bonjour, on nous salue, on retient nos prénoms. Il y a même une dame qui m’a donné des noix. »
« Moi je veux dire merci à Zouzou et Nathalie, on a été invités à manger des gaufres et à jouer aux fléchettes, c’était cool ! »
Le témoignage d’Isabelle, 14 novembre 2025 : Accompagner les jeunes en séjour à Tourteron : une belle expérience en tant que volontaire !
J’ai eu l’occasion d’accompagner cette année un groupe de cinq filles et un autre de quatre garçons, à Tourteron. Les journées se passent entre jeux de société, musique, confection et prise des repas, promenades autour du village, travaux au jardin et sorties variées : baignade au lac, visite des ruches, cueillette des pommes, et bien d’autres choses !
J’ai pris plaisir à accompagner les jeunes dans leur découverte de la campagne française, en compagnie de Félicie et de Nathalie, qui habite Tourteron et apporte tous les jours sa bonne humeur et sa fantaisie au groupe. Il est facile de proposer des activités aux jeunes qui sont souvent partants.
Mais le plus précieux dans cette expérience de cinq jours, c’est que les moments de vie partagés et les nombreuses discussions permettent de tisser un lien de confiance avec les jeunes, qui s’ouvrent donc beaucoup plus qu’en sortie. Les échanges sont ainsi approfondis et les rires fréquents.
Je recommanderais donc Tourteron aux volontaires qui voudraient avoir avec des jeunes des échanges plus profonds et nourris de moments de vie partagés.

